Le Cœur révélateur
Vrai ! – je suis très-nerveux, épouvantablement nerveux, – je l’ai toujours été ; mais pourquoi prétendez-vous que je suis fou ? La maladie a aiguisé mes sens, – elle ne les a pas détruits, – elle ne les a pas émoussés. Plus que tous les autres, j’avais le sens de l’ouïe très-fin. J’ai entendu toutes choses du ciel et de la terre. J’ai entendu bien des choses de l’enfer. Comment donc suis-je fou ? Attention ! Et observez avec quelle santé, – avec quel calme je puis vous raconter toute l’histoire.
Il est impossible de dire comment l’idée entra primitivement dans ma cervelle ; mais, une fois conçue, elle me hanta nuit et jour. D’objet, il n’y en avait pas. La passion n’y était pour rien. J’aimais le vieux bonhomme. Il ne m’avait jamais fait de mal. Il ne m’avait jamais insulté. De son or je n’avais aucune envie. Je crois que c’était son oeil ! oui, c’était cela ! Un de ses yeux ressemblait à celui d’un vautour, – un oeil bleu pâle, avec une taie dessus. Chaque fois que cet oeil tombait sur moi, mon sang se glaçait ; et ainsi, lentement, – par degrés, – je me mis en tête d’arracher la vie du vieillard, et par ce moyen de me délivrer de l’oeil à tout jamais.[...]
Edgar Allan Poe - Эдгар Аллан По - إدغار آلان بو