Contes de l'eau bleue
– Qu’en pensez-vous, Allardyce ? demandai-je.
Mon maître d’équipage se tenait à côté de moi sur la poupe ; pour rester d’aplomb, il avait écarté ses courtes jambes, car une forte houle avait survécu à la tempête ; à chaque coup de roulis, nos deux canots de hanche frôlaient l’eau. Il cala sa lunette contre le hauban de misaine pour mieux observer ce pitoyable et mystérieux navire chaque fois qu’il se hissait sur la crête d’une vague et s’y maintenait quelques instants en équilibre avant de retomber de l’autre côté ; il se trouvait si à ras de la mer que je ne distinguais que par intermittence la ligne vert feuille de son bastingage.
C’était un brick, mais son grand mât s’était brisé à trois mètres au-dessus du pont, et je n’avais pas l’impression que l’équipage eût cherché à se débarrasser de l’épave qui flottait à côté du bateau, avec ses voiles et ses vergues, comme l’aile inerte d’une mouette blessée. Le mât de misaine était encore debout, mais la toile était détendue et se déployait en longs panaches blancs. J’avais rarement vu bateau plus maltraité.[...]
Arthur Conan Doyle - Артур Конан Дойл - آرثر كونان دويل