Les rêveries du promeneur solitaire
Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit. Par un accord unanime ils ont cherché dans les raffinements de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m'attachaient à eux. J'aurais aimé les hommes en dépit d'eux-mêmes. Ils n'ont pu qu'en cessant de l'être se dérober à mon affection. Les voilà donc étrangers, inconnus, nuls enfin pour moi puisqu'ils l'ont voulu. Mais moi, détaché d'eux et de tout, que suis-je moimême ? Voilà ce qui me reste à chercher. Malheureusement cette recherche doit être précédée d'un coup d'oeil sur ma position. C'est une idée par laquelle il faut nécessairement que je passe pour arriver d'eux à moi.[...]
Jean-Jacques Rousseau - Жан-Жак Руссо - جان جاك روسو