Bug-Jargal
Quand vint le tour du capitaine Léopold d’Auverney, il ouvrit de grands yeux et avoua à ces messieurs qu’il ne connaissait réellement aucun événement de sa vie qui méritât de fixer leur attention.
– Mais, capitaine, lui dit le lieutenant Henri, vous avez pourtant, dit-on, voyagé et vu le monde. N’avez-vous pas visité les Antilles, l’Afrique et l’Italie, l’Espagne ? Ah ! capitaine, votre chien boiteux !
D’Auverney tressaillit, laissa tomber son cigare, et se retourna brusquement vers l’entrée de la tente, au moment ou un chien énorme accourait en boitant vers lui.
Le chien écrasa en passant le cigare du capitaine ; le capitaine n’y fit nulle attention.
Le chien lui lécha les pieds, le flatta avec sa queue, jappa, gambada de son mieux, puis vint se coucher devant lui. Le capitaine, ému, oppressé, le caressait machinalement de la main gauche, en détachant de l’autre la mentonnière de son casque, et répétait de temps en temps : – Te voilà. Rask ! te voilà ! – Enfin il s’écria : – Mais qui donc t’a ramené ?[...]
Victor Hugo - Виктор Гюго - فكتور هوغو